47 foyers parisiens se trouvaient ainsi menacés de quitter les lieux. La maire (PS) de Paris Anne Hidalgo et son adjoint (PC) chargé du logement Ian Brossat s'étaient engagés à racheter leurs logements via une filiale du bailleur social Paris Habitat. Une délibération entérinant le processus a été adoptée hier par le Conseil de Paris.
27 mai 2015, le Parisien
Fin et victoire d'une longue lutte des locataires !
La colère des « découpés » s'affiche sur le canal
Au canal Saint-Martin, une résidence se mobilise
Le Parisien | 25 mars 2013
Les panneaux barrés de slogans ont été accrochés à la plupart des fenêtres qui dominent le canal Saint-Martin. Depuis hier, l'inquiétude et la colère des locataires menacés par un projet de vente à la découpe (la cession appartement par appartement d'un bâtiment détenu par un bailleur unique) s'affichent sur un nouvel immeuble : la résidence du 166-172, quai de Jemmapes dans le Xe dont les occupants (environ 130 familles) ont organisé hier un rassemblement pour s'opposer à ce qu'ils nomment une « vente forcée ».
Construite au début des années 1980, la résidence fait partie du patrimoine (une dizaine d'adresses représentant plus de 1200 logements) que le géant de l'investissement immobilier Gécina avait cédé au groupe BNP Paribas, au printemps 2012. Le nouveau bailleur a lancé la procédure de vente par lots dans la foulée.
Les locataires concernés — ils préfèrent se qualifier de « découpés » — bénéficient d'après la loi d'un droit prioritaire pour racheter le logement qu'ils occupent. « Mais à quel prix? » s'inquiètent les habitants du quai de Jemmapes. Selon leur comité, Gécina aurait vendu le bâtiment il y a un an au tarif, très attractif, de 5500 € le m2. Un prix de « gros » pour un immeuble occupé. Les tarifs demandés par le propriétaire, et vraisemblablement annoncés aux habitants dans un mois, seront sans nul doute bien plus élevés. La filiale de la BNP Paribas (une SNC domiciliée… dans la loge du 166, quai de Jemmapes) n'a pu être jointe pour le confirmer.
5 000 logements seraient concernés chaque année
« La majorité des occupants n'auront pas les moyens d'acheter. Malgré la prétendue protection de la loi Aurillac de 2006 (NDLR : la prolongation du bail des locataires ne souhaitant pas acheter étant pour un maximum de 6 ans), ils seront tous condamnés à déménager », pronostique Benoit Filippi, animateur de la « plate-forme des locataires découpés » qui regroupe une dizaine de collectifs de locataires concernés par le phénomène. Cette plate-forme ainsi que le comité des locataires du quai de Jemmapes réclament l'intervention de la Ville pour faire racheter la résidence et la maintenir dans le secteur locatif. Cette solution a été utilisée, avec succès, il y a un an pour « sauver » une résidence locative de 200 logements dans la rue Pradier (XIXe) que Gécina souhaitait déjà vendre par lots. Après des mois de mobilisations des habitants, l'office HLM de la ville, Paris Habitat, avait fini par racheter l'ensemble… pour 74 M€.
Mais l'opération avait consommé en une fois la quasi-totalité du compte foncier annuelle de la mairie et ne pourra pas être répétée plusieurs fois. « Il faut renforcer la loi pour interdire les congés-ventes spéculatifs qui contribuent au départ des classes moyennes de la capitale », insiste René Dutrey, président (EELV) de la commission municipale du logement, qui est venu hier apporter son soutien quai de Jemmapes. Selon les spécialistes, chaque année plus de 5000 logements sont vendus à la découpe dans la capitale.
La pression monte contre la vente à la découpe
PIERRE DUQUESNE LUNDI 14 MAI 2012
L'HUMANITÉ
Ce matin, au Conseil de Paris, les locataires du 25, rue Pradier (19e), et du 166, quai
de Jemmapes (10e), peuvent gagner une première bataille contre les spéculateurs.
«On ne nous découpera pas ! » criaient, le 17 avril, les locataires des 25-31, rue Pradier et 166-172, quai de Jemmapes, en manifestant devant la Bourse de Paris. Ce matin, c’est devant l’Hôtel de Ville qu’ils continuent d’accentuer la pression contre les spéculateurs. Leur lutte contre la société Gecina, qui a vendu leurs logements par lots ou à la découpe pour tirer un maximum de profit de la bulle immobilière parisienne, est devenue une véritable bataille politique.
Leur mobilisation est en passe de faire bouger les lignes de l’exécutif parisien, bien aidés en cela par les élus du Front de gauche de la capitale. Un vœu, présenté aujourd’hui par la majorité devant le Conseil de Paris, demande à Gecina et la BNP de « renoncer à leur projet », et prévoit la possibilité de « rachat en tout ou partie des logements non acquis par les locataires, soit par des organismes HLM, soit par des investisseurs à long terme ».
Une avancée à laquelle Alain Lhostis, élu PCF dans le 10e arrondissement de Paris, a fortement contribué en relayant, dans son conseil d’arrondissement, la demande de préemption par 107 des 139 des locataires du 166, quai Jemmapes. Il regrette cependant que cette évolution intervienne si tardivement. « Si nous avions utilisé la préemption dès le début de la procédure, comme je l’avais alors demandé, nous aurions pu acheter moins cher et renforcer notre position dans la négociation avec Gecina. Mais les élus socialistes avaient refusé parce qu’il n’y avait pas de moyens. »
Quel que soit le résultat du vote, les locataires ne baisseront pas la garde. Le texte, qui envisage le rachat des logements « en fonction de la situation sociale des locataires » ne concerne que deux immeubles parisiens. « Rue Taine dans le 12e arrondissement, à Barbès, rue Vauvenargues (18e), des dizaines d’autres immeubles sont menacés », explique Alex Maudet, de la confédération nationale du logement qui, avec son puissant réseau d’amicales de locataires, ne cesse de détecter des risques de vente à la découpe. « En cet après 6-mai, il faut faire monter la pression pour que les futurs parlementaires, en plus d’une baisse des loyers par décret, réglementent plus strictement la vente à la découpe. On pourrait soumettre les mises en copropriéte des immeubles à une autorisation de la municipalité, comme cela se pratique à Philadelphie ou Chicago. Ainsi, un immeuble vendu en bloc pourrait être maintenu à usage locatif. »
Il faudrait également un dispositif « contre les acquéreurs en bloc d’un immeuble qui le dégradent délibérément afin d’en faire partir les locataires », ajoute aussi Brigitte Ferrand, qui bataille avec ses voisins contre un « bailleur brigand » dans le 18e arrondissement. Le maintien du rapport de forces permettrait, selon Ian Brossat, à la tête du groupe communiste et des élus du parti de gauche au Conseil de Paris, « d’appuyer notre demande d’augmenter le compte foncier du budget de la Ville de Paris ». Ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra augmenter le nombre de logements sociaux dans l’ensemble des arrondissements et maintenir « une véritable mixité sociale dans la capitale ».
Un atelier anti-spéculation
Un premier atelier législatif du Front de gauche organisé par l’Association nationale des élus communistes et républicains s’est tenu samedi à Lille. Une soixantaine d’élus, de représentants d’associations de locataires, de militants du PCF et du PG ont élaboré des propositions pour « une législature pour une vraie politique du logement ». La table ronde sur la lutte contre la spéculation immobilière et foncière a été la plus prolifique avec, notamment, une proposition très détaillée de taxe sur les transactions immobilières dans le privé. La nécessité de mener le combat pour le droit à la ville au niveau européen a aussi été rappelée avec force par Barbara Steenbergen, une représentante allemande de l’Association internationale des locataires (IUT), et de nombreux intervenants issus du monde HLM.