Ces petits canuts n’iront plus à la rue

À Lyon, six écoles sont occupées chaque nuit par des militants et des enseignants 
pour exiger de la préfecture des solutions d’hébergement pour 194 élèves sans abri.
Célébrer les droits de l’enfant, c’est bien. Se battre pour les faire appliquer, c’est mieux. Tel a été le leitmotiv des militants lyonnais du collectif ­Jamais sans toit et du ­Réseau éducation sans frontières (RESF), le 20 novembre dernier. En ce jour anniversaire des vingt-cinq ans de la Convention internationale des droits de l’enfant, ils ont occupé neuf écoles pour alerter sur l’explosion des enfants sans-abri dans l’agglomération lyonnaise.
«Il y a 194 élèves SDF dans nos écoles, en plus d’une centaine d’enfants non scolarisés qui doivent dormir chaque nuit à la rue», alerte Catherine Tourier, militante de RESF 69. Ce qui devait être une action ponctuelle s’est transformée en un mouvement d’ampleur, et qui dure.
Les écoles Victor-Hugo et Gilbert-Dru, dans le 1er arrondissement de Lyon, viennent de connaître leur ­septième nuit occupée par les parents et les enseignants, qui se relaient jour et nuit pour mettre un maximum de familles à l’abri. Même chose à l’école Giono 
(8e arrondissement) et Painlevé (3e), où, depuis une semaine, les goûters solidaires ­succèdent aux repas partagés pour collecter des fonds de soutien. D’autres parents d’élèves apportent des vêtements et de la nourriture.

« L’école, le seul lieu sécurisant 
où ils se sentent chez eux»

À Vaulx-en-Velin, trois familles ont trouvé refuge dans les arrière-classes et la ­bibliothèque de l’école Jean-Vilar. «Dans notre école, une dizaine d’enfants n’ont pas de solution d’hébergement, rapporte Aleth, membre de l’équipe enseignante. Les enfants arrivent extrêmement fatigués le matin. Ce n’est pas possible. Ils ont d’autres préoccupations que l’école, même si celle-ci demeure, pour eux, le seul lieu sécurisant, un endroit qu’ils connaissent, et où ils se sentent chez eux.»
À la Croix-Rousse, les familles trouvent un peu de répit sur les tapis de sol déroulés dans le gymnase de l’école Michel-Servet, situé à quelques mètres à peine de la cour des Voraces. Ces petits canuts n’iront plus à la rue. La solidarité, dans les écoles ­lyonnaises, ne date pas d’hier. La mobilisation a commencé dès la rentrée scolaire. Des enseignants et des parents ont hébergé chez eux, et pour quelques soirs, certains enfants et leurs familles. Des collectes ont aussi permis de payer des chambres d’hôtel. Cela était évidemment insuffisant pour faire face à cette explosion de la précarité.
«Nous espérions naïvement que la situation allait s’améliorer avec l’activation, le 5 novembre, du plan Grand Froid », confie Aleth, enseignante à l’école Jean-Vilar. Seulement voilà. Les réquisitions de gymnases et d’espaces publics par la préfecture n’interviendront au mieux qu’au début du mois de décembre ou en cas de température très froide.
Tous les jours, Aleth et les trois familles dormant dans son école appellent inlassablement le 115, numéro d’appel pour l’hébergement d’urgence. Sans succès. La présence d’enfants ne garantit aucunement d’obtenir une mise à l’abri. «Il y a quelques années, les familles avec enfants étaient hébergées en priorité. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, déplore Catherine Touret, de RESF 69. Bien souvent, la préfecture ne reloge que la mère, seule, avec son enfant», explique la militante qui s’interroge sur la méthode de sélection employée par la préfecture.

« Préférence nationale » 
et tri des populations affichés

Elle s’inquiète, notamment, de la mise en œuvre d’une «politique de préférence nationale», avec un tri des populations « en fonction de critères plus ou moins ethniques». Au mépris du droit inconditionnel à l’hébergement prescrit par la loi (lire ci-dessous). Le collectif Jamais sans toit doit être reçu aujourd’hui par la préfecture.
«Nous ne réclamons même pas un logement, déplore Aleth, mais simplement des solutions d’hébergement.» Nul besoin d’aller chercher très loin. «À Bron, une ancienne caserne de gendarmes, avec des logements habitables, est actuellement vide.» Idem à l’Hôtel-Dieu, où l’ancien hôpital doit se transformer en un énorme complexe «de magasins et de résidences de standing. S’il a accueilli il y a encore quelques années des personnes malades, il pourra sans trop de travaux accueillir, même provisoirement, des familles en bonne santé… Mais le préfet préfère payer des pénalités parce qu’il ne reloge pas des prioritaires Dalo plutôt que d’user de son pouvoir de réquisition…»
Pierre Duquesne
Inquiétant préfet du Rhône.
Pour seule réponse, le préfet Jean-François Carenco, a expliqué que les cas défendus par le collectif Jamais sans toit concernaient « des demandeurs d’asile, 
des membres de la communauté rom et 
des demandeurs d’asile déboutés». Ajoutant qu’une mise à l’abri d’une personne reste «soumise à un réexamen de sa situation 
au regard du droit au séjour (pour savoir) 
si elle est en situation irrégulière ». 
En plus de promouvoir les discriminations ethniques, il viole l’article L.111-2 du Code 
de l’action sociale et des familles, qui garantit, au titre de l’aide sociale, la prise 
en charge des frais d’hébergement des étrangers sans titre de séjour, sans condition.

Article paru dans l’Humanité du 26 novembre 2014.
Soutenez le collectif Jamais sans toit et ReSF 69 en signant cette pétition. Pour suivre l’évolution du mouvement, vous pouvez vous abonner au compte twitter du collectif Jamais sans toit, ou aux pages facebook des écoles mobilisées, ici ou .
Vous pouvez également trouver un reportage dans l’émission MegaCombi, diffusée sur Radio Canut.

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