L’office public de l’habitat :
 une espèce en voie de disparition ?

Après la concentration des sociétés anonymes HLM, devenues en quelques années de grands groupes mêlant activités sociales et concurrentielles, c’est au tour des offices municipaux et départementaux d’entrer dans 
la valse des fusions, acquisitions et autres restructurations. Une logique gestionnaire encouragée par la réforme territoriale.
«Fusion», «absorption», «concentration» sont devenus les maîtres mots dans le monde HLM. À l’œuvre depuis plusieurs années, les restructurations se sont accélérées en 2013, selon la très officielle Miilos, autorité de contrôle des bailleurs sociaux. «La place des organismes de moins de 1 500 logements diminue inexorablement, occupant une place de plus en plus marginale dans le logement social», se rejouit-elle dans son dernier rapport, publié cet été. Il n’y a pas que les petits organismes HLM qui se font avaler.
Les concentrations font aussi rage chez les grands acteurs privés du logement social. Les sociétés anonymes HLM, devenues les «entreprises sociales pour l’habitat», appartiennent aujourd’hui à de grands groupes, détenus par des organismes collecteurs du 1 % logement, où cohabitent SA-HLM, coopératives œuvrant pour l’accession sociale à la propriété et des filiales réalisant des opérations de promotion privée des plus classiques. Des mastodontes où il n’est pas rare de mutualiser des moyens entre des entités assurant une mission de logement social et d’autres ayant des activités concurrentielles. Ce mélange des genres n’est pas sans risque de conflits d’intérêts, alerte le rapport de la Miilos. Ce qui ne l’empêche pas d’appeler à une poursuite de ce mouvement de restructuration, afin de «rationaliser les implantations géographiques du patrimoine». 
Selon cette autorité, des «effets d’économie d’échelle peuvent résulter d’une moindre dispersion du patrimoine à gérer».
Jusqu’à quel point cette recherche d’efficacité économique est-elle compatible avec les missions de service public du logement social, auxquelles sont toujours assignées les SA-HLM ? La question se pose d’autant plus que les offices publics de l’habitat (OPH), qu’ils soient municipaux ou départementaux, sont à leur tour invités à entrer, sous la pression des pouvoirs publics, dans le bal des 
fusions-acquisitions.

Des offices municipaux dans le bal des fusions-acquisitions

La loi Alur, promulguée en février, a condamné les offices municipaux à une mort certaine, en imposant leur rattachement à des établissements intercommunaux (EPCI), avant le 1er janvier 2017. Le deuxième coup de rasoir est venu de la réforme territoriale, en particulier de la loi Mapam sur les métropoles, qui a confié la compétence logement à ce nouvel échelon territorial, notamment à la future métropole du Grand Paris. Cette intercommunalité de taille XXL hériterait ainsi de la gestion de 170 000 logements des OPH d’Île-de-France et se substituerait aux intercommunalités déjà existantes en banlieue parisienne.
« Confier la compétence logement au niveau du Grand Paris pourrait entraîner une dissolution de l’objectif de 25 % de logements dans chaque commune et déboucher sur un apartheid social entre les communes dotées en HLM et les autres », redoute Marc Hourson, président de l’Office public de l’habitat de Gennevilliers (PCF). D’autres élus se sont insurgés contre la disparition programmée des offices publics locaux, à l’image de Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux. « Plutôt que de confier la compétence logement à la métropole, avec le risque de créer d’énormes structures technocratiques, on pourrait distinguer ce qui relève des orientations, des objectifs, confiés à la métropole, et ce qui relève de l’opérationnel, que l’on devrait laisser aux mains des offices municipaux, les mieux à même pour gérer au plus près du terrain, dans la proximité. »
D’autres se sont inquiétés, avec la disparition programmée des départements, de l’avenir du 1,1 million de HLM gérés par les offices publics départementaux. L’incertitude actuelle risque de pousser les dirigeants de ces organismes à «transférer leurs patrimoines vers une société d’économie mixte ou vers une entreprise sociale pour l’habitat, diminuant ainsi la place du logement public», a alerté Didier Marie, responsable de la Fédération des offices publics de l’habitat  (1). La concentration à marche forcée des organismes publics a toutefois été freinée par la résistance des élus locaux d’Île-de-France. Les maires siégeant au conseil des élus de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris ont appelé le premier ministre, début octobre, à réécrire la loi sur la métropole. À une écrasante majorité, ils ont voté un contre-projet dans lequel la compétence logement serait confiée à plusieurs établissements intercommunaux, correspondant à des territoires de 300 000 habitants. Sous la pression, Manuel Valls a cédé, annonçant un nouveau projet de loi pour le premier trimestre 2015. Mais nul ne sait encore quel sera le contenu du texte ni la position des parlementaires priés de revoir leur copie…
En attendant ce big-bang territorial et les allers-retours législatifs qu’il génère n’ont pas permis de réduire la pénurie de logements. Bien au contraire. «Près de 1,7 million de demandeurs de logements sociaux devront une nouvelle fois attendre, déplore Philippe 
Laurent. Car il est impossible d’exiger des organismes qu’ils augmentent 
de manière conséquente leur production et qu’ils fusionnent dans le 
même temps.»
Pierre Duquesne
(1) Cité par l’AEF Habitat 
et urbanisme, agence de presse spécialisée dans le logement.

Article paru dans le Supplément Logement de l’Humanité Dimanche n°437 du 13 au 19 novembre 2014.

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