"Le gouvernement nous demande d'être patients"

INTERVIEW - Le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement des personnes sans abri et mal logées a été reçu mardi matin à Matignon par Jean-Marc Ayrault, Cécile Duflot, Manuel Valls et Marie-Arlette Carlotti. Le délégué général adjoint de la fondation Abbé Pierre et porte-parole du collectif, Christophe Robert, revient pourleJDD.fr sur cette réunion.
Comment s'est passée cette réunion avec le Premier ministre?
Sur la question de l'hébergement et sur la réponse aux mal-logés, malheureusement, il n'y a rien de vraiment nouveau.
Le gouvernement dit avoir enclenché les réformes. Nous en partageons d'ailleurs une partie : construire plus de logements sociaux, augmenter la loi SRU, réguler les loyers, sortir de la gestion au thermomètre de l'hébergement… Mais il nous dit que cela va porter ses fruits à court ou moyen terme. Si j'ai bien compris, le gouvernement nous demande d'être patients. Alors que, précisément, nous venions dire qu'il y a une urgence sociale. Nous appelons, nous, à des mesures d'urgence.

Il y a une différence de rythme entre les associations et le gouvernement?
Oui. Il y a une divergence profonde entre nous quant à l'articulation entre des mesures structurelles qui s'imposent pour changer la donne et d'autres pour répondre aux urgences immédiatement. Nous pensons qu'il faut une double-temporalité : ne pas attendre que les réformes structurelles aient produit leurs effets pour répondre aux besoins de nos concitoyens qui sont en situation de grande précarité. On ne peut plus attendre!
Vous demandez un moratoire sur les expulsions locatives. Toujours sans succès?
La ministre Cécile Duflot, sous l'autorité du Premier ministre, nous a dit qu'elle ne voulait pas de moratoire. Elle affirme qu'il y aura dans la loi "Duflot 2" un certain nombre de mesures de prévention des expulsions locatives. Mais il est hors de question d'arrêter les expulsions, comme les associations le demandent. Je rappelle quand même ce que comprend cette mesure : stopper les expulsions locatives, tout en dédommageant les propriétaires puisqu'il existe un fond de l'Etat pour cela. Il ne s'agit pas de faire reposer l'effort sur les propriétaires! C'est une mesure équilibrée de protection dans l'urgence pour ne pas avoir comme l'année dernière entre 30.000 et 40.000 familles jetées en bas de la cage d'escalier avec meubles et enfants. Le gouvernement ne fait pas le pas. Là, il y a vraiment un choix politique qui n'est pas fait, malgré des réformes structurelles et une volonté de changement qui va, dans certains domaines, dans le bons sens.
Les inquiétudes soulevées par le Collectif dans sa lettre de début mai sont toujours présentes?
Effectivement, le changement de braquet par rapport aux urgences sociales que l'on avait appelé de nos vœux il y a six mois ne s'est pas fait. Il va falloir que nous en tirions les enseignements pour comprendre comment faire entendre la voix des plus fragiles qui souffrent en silence.
«J'espère que le gouvernement sera très ambitieux» Un autre rendez-vous est-il déjà prévu avec le Premier ministre?
Pas pour le moment. Il n'en a pas parlé.
La loi "Duflot 2" va arriver cet été en Conseil des ministres. Etes-vous confiant quant à son contenu?
De nombreuses consultations ont eu lieu ces derniers mois. On verra. Il est encore trop tôt pour le dire car nous n'avons pas eu la première mouture du texte. Il y a énormément d'enjeux autour de cette loi : en termes de lutte contre l'habitat indigne, de traitement des copropriétés dégradées, de prévention des expulsions locatives, de mise en place d'une garantie des risques locatifs, de lutte contre les marchands de sommeil… Cela va être un chantier majeur. J'espère que le gouvernement sera - comme il nous l'annonce - très ambitieux. Nous avons beaucoup été consultés, mais il faut maintenant que le politique nous dise ce qu'il va faire. C'est là le plus important.
Depuis l'arrivée de François Hollande à l'Elysée, quel regard portez-vous sur la politique du logement?
Une inflexion réelle sur un certain nombre de sujets, avec des objectifs positifs. Après, vu que nous sommes dans une situation d'urgence majeure, il ne faudrait pas que le gouvernement se contente de cela en se disant : "voilà, j'ai changé d'orientation politique". Il faut que tout ce qui a été mis en attente dans la perspective de la loi "Duflot 2" sorte enfin de terre. A ce moment-là, on pourra dire que nous avons un vrai changement de politique du logement.

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Anne-Charlotte Dusseaulx - leJDD.fr
mardi 14 mai 2013

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