Communiqué de la CSF / PROJET DE LOI ’ALUR’

La CSF est rassurée pour la résorption de l’habitat dégradé et indigne mais réservée pour l’accès à des logements moins chers.

La CSF, après avoir pris connaissance de la loi logement dite ’ALUR’ présentée par Mme Cécile Duflot, Ministre du Logement, salue les avancés de cette loi qui :
— donne les moyens d’agir pour résorber le phénomène des copropriétés dégradées en particulier et de l’habitat indigne en général, 
— répond aux attentes de nombreux conseils syndicaux en imposant à leur syndic des comptes séparés et la réforme de leur gouvernance pour une meilleure efficacité, 
— apporte plus de déontologie au sein des professionnels de l’immobilier et répartit mieux les frais d’accès à un logement entre le propriétaire et le futur locataire.
Par contre La CSF émet des réserves quant au dispositif d’encadrement des loyers du parc privé.
Force est de constater que le système proposé par cette loi comporte de trop nombreuses indications et dérogations dans son article 3 risquant d’entraîner un effet inflationniste sur les montants des loyers :
— « Le loyer de base fixé dans le contrat pour les nouvelles locations ou les relocations ne peut excéder le loyer médian de référence majoré »La CSF regrette que l’information accompagnant le contrat ne concerne que le prix majoré et non celui du loyer médian de référence moins élevé. La confusion contribuera, pour bon nombre de logements, à l’augmentation spontanée des prix .
—  La CSF dénonce la possibilité accordée par le « complément de loyer exceptionnel » , de dépasser le plafond du loyer médian de référence majoré dans le cas où les caractéristiques du logement ne sont pas prises en compte par les indicateurs de calcul du loyer médian. Ce complément de loyer sera la source de tous les abus sur lesquels les locataires trébucheront pour décrocher le sésame dans un contexte de forte tension du marché.
— Enfin La CSF dénonce aussi la possibilité donnée aux propriétaires de rattraper le loyer de référence minoré au moment du renouvellement du bail dans le cas où le loyer pratiqué lui serait inférieur. Ceci entraînera une augmentation massive des loyers les plus bas et se traduira à moyen terme par une augmentation mécanique du loyer médian de référence édicté par le Préfet…
La CSF regrette que cette loi n’abroge pas la loi Boutin donnant la possibilité de rompre un bail en cas de dépassement des plafonds de surloyers et ghettoïsant le parc social par la politique de remise en ordre des loyers.

La CSF revendique une baisse de 20 % des prix locatifs là où les loyers sont devenus inabordables et l’abrogation de la loi Boutin entrainant la marchandisation et la ghettoïsation du parc social.


Communiqué de Presse
Contacts : 
Romain BIESSY - Chargé de mission 
rbiessy@la-csf.org - 01 44 89 86 89

Daniel BONNOT - Responsable politique 
dbonnot@la-csf.org - 06 86 00 75 01.

Vidéo. Mohamed Mechmache, la voix des banlieues


C'était en 2005 : la mort de deux adolescents à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Zyed et Bouna, provoque deux semaines d'émeutes. Pour éteindre les braises, Mohamed Mechmache fonde le collectif ACleFeu (Association Collectif Liberté Égalité ...

dossier de la Gazette sur l'insécurité

Logement social : face à l’insécurité, les bailleurs s’organisent

Les professionnels du logement social constatent un durcissement de de la délinquance et déplorent les violences subies par les gardiens. 80 quartiers seraient aujourd’hui placés sous le contrôle des dealers.
Dans ce contexte, les bailleurs mettent en oeuvre une panoplie de mesures axées sur la formation, les procédures, la médiation ou la prévention situationnelle. Et s’efforcent d’intégrer le partenariat local.
Alors qu’une approche globale des risques semble s’imposer, tous s’accordent pour dire que les missions du bailleur se limitent à la « tranquillité résidentielle » et non à la sécurité publique, prérogatives régaliennes.

Livrés aux trafiquants de drogues, 80 quartiers en « difficulté extrême »

Par H. Jouanneau    Mis à jour le 24/07/2012

Selon l'Union sociale pour l'habitat, la délinquance gagnerait du terrain dans les quartiers du logement social. Pour y faire face, les bailleurs testent de multiples réponses.
Dans un secteur particulièrement marqué par la paupérisation et la marginalisation, les professionnels du logement social sont de plus en plus nombreux à constater un durcissement de la délinquance. Pire, selon une enquête restée confidentielle de l’Union sociale pour l’habitat, 80 quartiers seraient aujourd’hui passés sous le contrôle des dealers.
Phénomène inquiétant, les gardiens d’immeuble ne sont plus épargnés par les violences. Mais la peur des représailles pèse et rares sont ceux qui franchissent la porte du commissariat pour porter plainte.
Dans ce contexte, les bailleurs s’efforcent de trouver des réponses par la mise en place de référents « sûreté » au sein des organismes. Parmi les mesures privilégiées : la formation des personnels, le renforcement des procédures, le recours à la médiation ou encore le développement de la vidéosurveillance et plus généralement de la prévention situationnelle.
Sur le terrain, toutefois, le malaise grandit. Et si la plupart s’accorde sur la nécessité d’améliorer leur participation au partenariat local de sécurité, tous s’accordent pour dire que leurs missions se limitent à la « tranquillité résiden¬tielle », la sécurité publique relevant des prérogatives régaliennes de l’Etat.

HLM, l’inquiétant diagnostic de la délinquance

Selon l’Union sociale pour l’habitat, les violences se durcissent dans une partie du parc HLM et n’épargnent plus les gardiens d’immeuble.
Par H. Jouanneau   Mis à jour le 24/07/2012
Rares sont les bailleurs sociaux qui brisent publiquement le tabou. Dans un secteur particulièrement marqué par la marginalisation et la paupérisation, le dossier est sensible et lourd à porter en termes d’image. Pourtant, à les entendre, ils sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à constater une montée en puissance de l’insécurité. « La situation s’est considérablement dégradée au cours des dernières années », déplorent de concert les professionnels, sous le couvert de l’anonymat. Mais au-delà du ressenti et des représentations, qu’en est-il vraiment de l’insécurité qui règne dans les « quartiers HLM » ?
Des chiffres à nuancer - A la lecture des chiffres produits par l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), le tableau s’avère plus nuancé. Globalement, selon les auteurs durapport 2011 publié en novembre dernier, les habitants des ZUS ne sont pas plus victimes de violences que les résidents des autres quartiers. En revanche, « quand ils le sont, les agressions se déroulent plus souvent dans leur quartier ». De plus, ils sont « deux fois plus nombreux qu’ailleurs à être témoins d’actes de délinquance ou à constater des destructions ou des dégradations volontaires d’équipements collectifs dans leur quartier ». D’où un fort sentiment d’insécurité.
Par ailleurs, l’Onzus révèle que 10 % de ces zones concentrent 40 % des délits. Elles seraient donc une frange minoritaire à être particulièrement touchées par la délinquance. Un constat confirmé par l’Union sociale pour l’habitat (USH), qui chiffre à environ 80 le nombre de quartiers « en situation très sensible », abandonnés aux trafiquants de stupéfiants et que d’aucuns qualifient de « zones de non-droit » (lire l’encadré page suivante).
Malaise des gardiens - Au-delà de la délinquance générale, les bailleurs sociaux s’inquiètent depuis peu des nombreuses violences qui ciblent leur propre « personnel de proximité ». En ligne de mire : les gardiens d’immeuble, les ouvriers chargés de la maintenance, les femmes de ménage, mais également leurs familles. « C’est devenu une préoccupation majeure des bailleurs », observe Patricia Campin, secrétaire adjointe de l’Union nationale FO habitat, qui évoque « une augmentation considérable des insultes et des menaces, mais surtout des agressions physiques de plus en plus violentes ».
C’est également ce qui ressort d’une enquête d’ampleur réalisée par l’USH auprès de 545 offices publics de l’habitat et entreprises sociales pour l’habitat disposant de patrimoine locatif (lire l’encadré p. 28). Passés quasiment inaperçus, les résultats de cette enquête publiée en novembre 2011 dans les annexes du rapport annuel de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales sont inquiétants. Ainsi, en 2010, 286 organismes, soit la moitié du parc interrogé, ont indiqué avoir enregistré au total 2 180 plaintes pour agression, le plus souvent verbale, des salariés, soit une moyenne de 7 plaintes par organisme.
Selon Aminata Koné, secrétaire générale de la Confédération syndicale des familles, « l’agressivité née, par exemple, d’une réponse tardive pour obtenir un logement ou d’un différend sur le paiement d’un loyer peut se révéler extrêmement forte ». Pour preuve, selon l’enquête de l’USH, dans 79 organismes, 225 agressions physiques ont été recensées, conduisant à un arrêt de travail, voire une hospitalisation.
Dans les quartiers difficiles, le moral des troupes est au plus bas. « On constate une usure prématurée, s’inquiète Dolorès Poinsot, vice-présidente du Syndicat national du personnel des sociétés anonymes et coopératives d’HLM [Unsa]. Certains responsables de site jettent d’ailleurs l’éponge, tandis que d’autres font une dépression. » Signe du malaise, les bailleurs sont de plus en plus nombreux à recourir à des structures spécialisées dans la prévention et l’accompagnement des troubles et des risques psychosociaux.
Des réticences à porter plainte - Quand ils sont victimes, les gardiens ont encore du mal à franchir la porte du commissariat. En 2010, 265 plaintes déposées par 113 organismes ont été enregistrées par les services de police. Mais l’USH pointe un « chiffre noir » en évaluant à 336 le nombre de plaintes qu’une centaine d’organismes « auraient souhaité déposer ». En clair, précisent les auteurs de l’enquête, « sur 601 faits qui auraient pu donner lieu à une plainte, la police n’en a enregistré que 44 % ». Un écart particulièrement révélateur de la peur des représailles ressentie par les professionnels.
Une peur qui se manifeste aussi au quotidien, dans l’exercice de l’activité professionnelle. « Bon nombre de gardiens se sentent menacés, pris dans un étau entre la police qui, à la moindre descente”, débarque dans leur loge, et les mafieux, qui voient en eux des balances », déplore Patricia Campin. Pour éviter les représailles, certains bailleurs, comme Paris Habitat, n’hésitent d’ailleurs plus à domicilier les gardiens en dehors de l’immeuble et de la loge prévue, tandis que d’autres, comme le groupe 3F, ont carrément décidé, dans certains cas, de quitter le site en supprimant la loge du gardien. Une tendance qui pourrait bien s’accroître dans les prochaines années.
Dans ces secteurs urbains enclavés,
les propriétaires-bailleurs ont perdu tout contrôle
Les uns les qualifient de « zones de non-droit » tandis que les autres parlent de quartiers « enkystés » ou « en difficulté extrême ». En clair, il s’agit de secteurs urbains sur lesquels le propriétaire-bailleur a perdu tout contrôle, au profit des trafiquants de stupéfiants – grossistes, semi-grossistes ou simples revendeurs. A l’Union sociale pour l’habitat (USH), où l’on préfère évoquer des « quartiers en situation très sensible », on estime leur nombre à environ 80.
Enquête confidentielle - En 2010, Claire Thieffry , responsable du département « sécurité » de l’USH, a conduit avec Nicole-L’Hernault une enquête in situ restée confidentielle. Sur cette base, le 7 décembre dernier, elle faisait de ces lieux une description anxiogène devant le Conseil national des villes, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) : des quartiers « enclavés », dont le patrimoine porte l’empreinte de « toutes les strates de la politique de réhabilitation », « réparés mais pas vraiment rénovés », des espaces extérieurs « surdimensionnés, généralement pauvres ». « Très souvent, les activités économiques et les services sont absents ou marqués : les commerces sont plutôt ethnicisés et des professions disparaissent. » La population est présentée comme « très jeune », composée de « familles très nombreuses » présentant un « niveau de qualification très faible et un taux de chômage élevé ». Quant aux établissements scolaires, ils « donnent une image difficile, avec des enfants très perturbés et une impossibilité de mettre en œuvre des programmes scolaires ».
Aucun répit pour les résidents - Dans ces quartiers, « le trafic se déroule 24 heures sur 24 », ne laissant aucun répit à la population résidente. « Les habitants ne peuvent pas dormir la nuit ; s’ils sortent en ville, ils ne peuvent pas rentrer ou alors doivent présenter leur carte d’identité, non pas aux forces de police, mais aux dealers. Et, parfois, ils s’entendent dire de ne pas rentrer tout de suite, mais de revenir dans deux heures. »
Selon Claire Thieffry , il s’agit d’une « réelle prise de territoire », autant à l’extérieur que dans les parties communes des immeubles. Dans ce contexte, précise-t-elle, « les gardiens sont trop souvent en première ligne et se sentent extrêmement démunis face aux difficultés et aux conflits des dealers sur les territoires ». Et de conclure par les trois axes de travail retenus par l’Union sociale pour l’habitat : la formation du personnel de proximité « pour qu’il puisse se sentir plus soutenu », l’adaptation de la gestion de ces sites et la définition d’une doctrine de tranquillité et de sécurité en lien avec l’ensemble des partenaires.
L'Observatoire des troubles à la tranquillité du Nord-Pas-de-Calais détaille la nature et la répartition des faits de délinquance sur son territoire.
De 2010 à 2011, l’Association régionale pour l’habitat Nord-Pas-de-Calais a enregistré 53 000 faits d’incivilités parmi les 235 000 logements gérés par les 10 bailleurs du territoire. Selon un document mis en ligne par son “observatoire des troubles à la tranquillité”, ces incivilités se répartissent de la façon suivante :
  • 37 % sont liées à des attroupements,
  • 20 % sont des faits d’« environnement-propreté »,
  • 19 % d’atteintes aux biens,
  • 8 % de toxicomanie,
  • 4 % de troubles de voisinage,
  • 1% d’atteintes aux personnes locataires,
  • 1% d’atteintes aux personnes salariées,
  • 10% divers.
Autre enseignement de cette étude : 79% des incivilités sont commises dans les parties communes, 14% dans les parties communes extérieures, 6% dans les parties privatives, 1%en agence.

CHIFFRES-CLÉS
Le coût des dégradations s’élève à 19 M€
Parmi les enseignements de son enquête sur « les faits d’incivilités recensés dans le parc HLM », l’Union sociale pour l’habitat (USH) chiffre à 19 millions d’euros le coût des dégradations essentiellement dues au vandalisme. Un montant correspondant aux déclarations effectuées en 2010 par 182 organismes. Soit 10 620 euros par logement, en moyenne. L’USH précise que 2 organismes de plus de 1,2 millions logements ont déclaré respectivement 1,6 ME et 1,2 ME de reprise.

« Une situation d’impuissance collective »
Jean-François Lapière, directeur d’Actis, office public de l’habitat de la région grenobloise, président la commission « quartiers » à l’Union sociale pour l’habitat (USH)

Nous observons une inquiétante dégradation de la tranquillité, voire de la sécurité, dans les logements sociaux. Quand les trafiquants de drogue ont pignon sur rue, la situation peut vraiment basculer. Attention toutefois à ne pas généraliser ces cas extrêmes à l’ensemble du parc social. Sur le terrain, quand la délinquance touche un quartier, elle ne concerne pas forcément l’ensemble des résidences. Elle reste localisée à l’échelle de quelques immeubles, voire d’une cage d’escalier. Mais il faut reconnaître que le trafic de drogue nous place, avec nos partenaires de la justice et de la police, dans une situation d’impuissance collective. Aujourd’hui, on cherche à résoudre techniquement un problème politique : on tolère la consommation, mais on interdit la vente. La position des bailleurs est claire : si nous devons la tranquillité à nos locataires, il ne nous revient pas d’assurer la sécurité publique dans ces quartiers. Celle-ci relève de l’Etat. Notre devoir, en tant qu’employeurs, est de protéger notre personnel de proximité. Ces agents sont les premiers témoins des dysfonctionnements dans les immeubles.


Une stratégie en trois axes pour un problème complexe


Accompagnement du personnel de proximité, gestion des sites en extrême difficulté et travail partenarial : ces trois enjeux constituent les priorités des organismes HLM .
Par A. Thouvenot   Mis à jour le 24/07/2012

«A l’Etat, la sécurité. Au maire, la tranquillité publique. Au bailleur social, la tranquillité résidentielle », insiste Brahim Terki, directeur délégué à la tranquillité publique et aux affaires juridiques au sein d’Argenteuil Bezons Habitat (12 000 logements, Val-d’Oise). Ces cadres d’intervention, qui font aujourd’hui consensus chez les bailleurs, constituent leur matrice d’organisation face à la montée de l’insécurité. Cependant, tout comme le diagnostic, les réponses concrètes ne sont pas homogènes et surtout peu rendues publiques.
« Nous élaborons actuellement une stratégie nationale, notamment en constituant un réseau de référents pour la sécurité », indique Claire Thieffry, responsable du département « sécurité » à l’Union sociale pour l’habitat (USH).
Le personnel de proximité en première ligne - Aujourd’hui, ils sont entre 150 et 180 au sein des organismes HLM. Si leur nom diffère d’un bailleur à l’autre – référent sécurité, référent sûreté, chargé de mission tranquillité… – leur mission est toujours la même : traiter les enjeux de sécurité et de tranquillité de manière transversale, à la fois dans la gestion du personnel de proximité, dans les partenariats extérieurs, et dans la conception et l’aménagement des projets urbains.
Première priorité de cette fonction émergente : former le personnel de proximité et le conforter dans son rôle d’acteur de la tranquillité. Gardiens, agents d’entretien, équipes de maintenance sont à la fois les vigies des troubles et « les premiers maillons de la chaîne de résolution des conflits », constate François Ohl, consultant spécialisé dans le logement social. Jeux de ballon dans la cage d’escalier, dégradation des espaces verts, mécanique sauvage… « Ce sont eux qui rappellent, au quotidien, le règlement intérieur. Mais leur positionnement est délicat, avec le risque de trop en faire », reprend le consultant. Les modules de gestion de l’agressivité et des situations conflictuelles ainsi que les guides « réflexes » sont désormais indispensables.
Pour lutter contre l’épuisement du personnel de proximité, les organismes mettent également en place des outils de recueil et de traitement des incivilités. Selon l’USH, 58 % des bailleurs interrogés en disposent. « Les fiches incidents font l’objet d’un suivi systématique par l’agence de proximité, puis par l’organisme, qui y donnera une suite judiciaire si besoin. Cela conforte l’agent dans sa mission et de lui signifie qu’il n’est pas seul », souligne Brahim Terki. Parfois, la sécurité du personnel passe par son retrait. Sur les sites les plus exposés au trafic de drogue, les bailleurs sont pragmatiques et en viennent à modifier l’organisation du travail des agents : limitation des interventions dans la matinée, constitution de binômes, mais aussi recours à des sociétés de sous-traitance.
S’associer aux autres acteurs locaux - Le deuxième axe de travail pour les organismes HLM est le partenariat. Si la présence des bailleurs au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance est acquise de longue date, l’effectivité des partenariats n’est pas toujours réelle. Constat unanime : sur les sites dotés de systèmes de recueil, le bailleur dispose d’une veille fiable et précise du climat des quartiers – et, de ce fait, crédibilise ses difficultés vis-à-vis de ses partenaires. Les groupes locaux de traitement de la délinquance, dont la création donne lieu à une protection des secteurs à haut risque, notamment par une présence policière plus soutenue, s’appuient souvent sur ces données. Toutefois, les bailleurs restent vigilants : « Nos informations n’ont pas à renseigner les fichiers de police », insiste Brahim Terki, qui reconnaît que, parfois, l’exercice s’apparente à celui d’un équilibriste.
Autre effet tangible du travail partenarial : la mise en place d’une procédure simplifiée de dépôt de plainte. Après ordonnance du procureur, le personnel de terrain ayant constaté un méfait n’a plus besoin de se déplacer au commissariat (sauf en cas de violence à la personne). Il revient au référent sécurité ou au responsable d’agence de le faire. Cette procédure permet d’augmenter considérablement le nombre des plaintes déposées. En revanche, le partenariat avec les services de psychiatrie est quasiment au point mort : ni relais, ni interlocuteur au sein des hôpitaux psychiatriques ou des centres médico-psychologiques, le bailleur reste seul face aux troubles provoqués par des personnes en souffrance psychique.
Aménagement des bâtiments - Troisième enjeu, faire de la sécurité une priorité dans l’aménagement des quartiers et l’architecture des immeubles. Parmi les outils adoptés par les bailleurs, et à l’instar des autres espaces publics, la vidéosurveillance gagne du terrain. De même, la rénovation et la sécurisation des halls s’étendent, avec la mise en place de digicodes et la suppression des halls traversants. Certains organismes HLM condamnent les caves, comme l’Office public interdépartemental de l’Essonne, du Val-d’Oise et des Yvelines (OPIEVOY, 50 000 logements).
En revanche, la résidentialisation, longtemps considérée comme un outil permettant de distinguer le patrimoine du bailleur et l’espace public (par le biais de grilles ou d’aménagement de jardinets) et d’en rendre la surveillance plus simple, fait moins l’unanimité. Les acteurs soulignent le risque de « résidentialiser » le trafic en le rendant invisible depuis l’espace public.
Par ailleurs, une nouvelle obligation s’impose aux grandes opérations urbaines : les études de sécurité publique, désormais pierre angulaire des projets. Visant à intégrer la prévention de la malveillance dans la conception des sites, leur impact reste à démontrer. Une étude, pilotée par le secrétariat général du comité interministériel des villes et l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), concernant l’impact de la rénovation urbaine sur la tranquillité publique est actuellement en cours de réalisation.
Un recours massif à la médiation - Enfin, les bailleurs, soucieux de maintenir la présence humaine dans les quartiers, ont massivement investi dans la médiation sociale. Aujourd’hui, 800 000 logements sont couverts par un dispositif d’agents d’ambiance, de médiateurs ou de correspondants de nuit. Prévention des conflits, règlement à l’amiable des litiges et accompagnement des habitants après une crise sont les trois enjeux majeurs de la médiation qui, malgré ses effets bénéfiques, peine à trouver des financements. Un outil d’évaluation est actuellement en cours d’élaboration par le Réseau des villes correspondants de nuit et de la médiation sociale. Il devrait être opérationnel début 2013.
Le GPIS, une exception parisienne
Créé en 2004 par la mairie de Paris, le Groupement parisien interbailleurs de surveillance (GPIS) fait figure d’exception. Ce groupement d’intérêt économique, dont 13 bailleurs parisiens sont membres, emploie chaque nuit environ 160 agents pour surveiller 73 000 logements et une centaine de parkings souterrains. Une structure lourde – près de 6 millions d’euros par an pour la ville – qui semble difficile à transposer. Autre spécificité : le GPIS est à ce jour la seule structure de gardiennage à avoir mis en œuvre le décret du 21 décembre 2011 qui autorise les agents des sociétés de gardiennage travaillant pour des organismes HLM à être armés de bâtons de défense et d’aérosols incapacitants ou lacrymogènes. 
En région, l’armement est loin de faire l’unanimité chez les bailleurs, qui considèrent que leurs missions relèvent de la tranquillité et non de la sécurité publique. C’est notamment le cas à Lyon, où une société de surveillance est mandatée pour assurer des rondes en soirée pour 34 000 logements. Ici, « ni médiation ni répression, mais de la dissuasion sur la base des règlements intérieurs », explique-t-on à l’office public d’aménagement et de construction du Rhône.

Lille métropole habitat : un nouveau souffle grâce au partenariat local
« Notre métier de bailleur ne consiste pas à s’attaquer à la grande délinquance, mais à faire en sorte que les gens puissent vivre le plus normalement possible, y compris dans les quartiers difficiles, explique Laurent Goyard, directeur général de Lille métropole habitat (30 700 logements sociaux). Si nous devenons des acteurs de la sécurité, c’est malgré nous. » C’est sur la base de cette analyse que François Dreux, responsable de la médiation et de la tranquillité au sein de l’organisme HLM, travaille.

Interlocuteur à la fois interne et externe pour toutes les questions relatives à la sécurité, il est avant tout un homme de terrain. Il coordonne notamment le dispositif des agents d’ambiance, qui sont chargés de faire appliquer le règlement des immeubles, contrôler l’accès aux parties privatives et communes des résidences et venir en aide aux personnes isolées, en particulier la nuit. 
François Dreux travaille également en collaboration étroite avec les médiateurs qui gèrent les conflits liés aux troubles de voisinage ou ceux entre l’organisme et les locataires. Enfin, il accompagne le déploiement de la vidéosurveillance : plusieurs dizaines de caméras ont été installées et d’autres encore le seront dans les prochains mois. L’un des atouts du territoire est un travail partenarial de longue date avec la police, la justice et les collectivités locales. « Aujourd’hui, c’est un véritable langage commun qui nous unit, notamment grâce à l’observatoire des troubles de la tranquillité », se réjouit François Dreux.


CHIFFRES-CLÉS
1 million de logements vidéosurveillés
En 2010, 47% des 276 organismes interrogés par l’Union sociale pour l’habitat disposaient d’équipements vidéo sur une partie de leur patrimoine. Soit environ 1 million de logements couverts, précise l’USH. Selon une enquête approfondie menée auprès de 60 organismes en 2011, 72% en ont équipé les sous-sols et parkings, 63% leurs halls d’entrée, 18% les espaces résidentialisés, 17% les garages. Si aucune étude d’impact n’a pour l’instant été réalisée, les organismes observent que les parkings souterrains équipés peuvent à nouveau être loués.



Eric Chalumeau, président du cabinet de conseil en sécurité Icade-Suretis,
a participé à de très nombreuses missions auprès des bailleurs sociaux.
Il nous fait part de son constat et de ses préconisations.

Par H. Jouanneau    Mis à jour le 24/07/2012

Partagez-vous le diagnostic d’insécurité dressé par l’Union sociale pour l’habitat ?
Absolument. Tous les bailleurs reconnaissent la forte dégradation de la tranquillité résidentielle, dont ils ont la charge. Dans ce contexte, le métier de gardien est de toute évidence l’un des plus exposés aujourd’hui à la malveillance. Dans le « meilleur » des cas, ceux-ci subissent insultes et injures. Ils font parfois l’objet de menaces ou voient leur véhicule dégradé. Sur les sites où les situations sont les plus extrêmes, où le contrôle du territoire est abandonné aux délinquants, la pression sur les personnels de proximité est très élevée. Il faut d’ailleurs saluer leur courage et parfois même leur héroïsme car certains se retrouvent placés sous une surveillance permanente des trafiquants. Pour l’employeur-bailleur, la prise en compte de cette souffrance au travail est un enjeu majeur. En ce sens, la formation de ces agents doit constituer une priorité.

Les bailleurs ont-ils les moyens de faire face à ces situations ?

Selon la loi, les bailleurs sociaux ont une obligation contractuelle de tranquillité résidentielle. Mais ils sont extrêmement prudents. Ils estiment que la sécurité publique n’est pas de leur ressort et qu’ils n’ont donc pas vocation à s’engager dans cette voie. Néanmoins, la plupart ont intégré la nécessité de siéger au conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Il y a encore du chemin à parcourir car leur implication partenariale reste en général limitée. Bien en deçà de celle des opérateurs de transports, par exemple. En outre, il leur faut améliorer leur représentativité pour exprimer d’une seule voix leur vision du territoire. Dans les villes où l’on dénombre dix ou quinze bailleurs, ce n’est pas toujours le cas, loin de là. Une solution consisterait à créer localement une coordination de ces professionnels.

Sur le plan opérationnel, quelles sont vos préconisations ?

Il est indispensable d’adopter une approche globale des risques à l’échelle du patrimoine. Une fois cette vision globale clairement définie, les bailleurs feront leurs propres choix, humains et techniques, en fonction de leurs besoins. La priorité réside dans l’établissement d’un partenariat opérationnel et durable avec la police d’Etat. Les enjeux sont multiples. Il s’agit ni plus ni moins de réintroduire la légalité républicaine dans des secteurs parfois « enkystés », dont le contrôle échappe totalement aux bailleurs. Cela pose la question du renseignement policier, à consolider en lien avec les groupes locaux de traitement de la délinquance, et d’une police de contact, proche des habitants.

Qu’en est-il de la prévention dite « situationnelle » ?

Il faut souligner l’utilité de la vidéoprotection, qui est parfois décriée. Car si son impact en milieu ouvert peut laisser dubitatif, les résultats enregistrés dans les immeubles, les parkings et les locaux collectifs sont aujourd’hui tangibles. Il faut également compter sur la sécurisation des toitures et toute autre technique de prévention situationnelle, en complément de la présence humaine. Il y a là un investissement intelligent à opérer sur le patrimoine.