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Immobilier locatif : le flop du Duflot

Par Catherine Sabbah | 09/10 | 13 Les Échos

Le dispositif d’investissement locatif assure une rentabilité correcte sous certaines conditions. Le contexte fiscal et réglementaire instable pousse les investisseurs à attendre.

Le cru Duflot n’est ni meilleur ni moins bon que le Scellier

Déçus par le peu de succès du dernier dispositif de défiscalisation , les promoteurs l’avaient surnommé le « Duflop ». Ils en reviennent… un peu. Le système mis en place au 1er janvier dernier par Cécile Duflot , la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, ne fait l’unanimité, ni pour… ni contre. Alors que les professionnels se montraient par le passé très précis sur le nombre de « Borloo », de « Robien », de « Scellier » vendus, où et dans quelles conditions, personne n’est plus capable de comptabiliser les « Duflot ». « Le système est si compliqué et l’environnement si instable que les acquéreurs ne se prononcent pas et achètent un appartement dont ils décideront du statut au moment de sa livraison. Aujourd’hui, il est impossible de leur garantir le loyer qu’ils pourront demander à leurs locataires », justifie Emmanuel Launiau, le président du directoire d’Ogic. Ces valeurs plafonds fixées par décret sont en effet susceptibles de varier, plutôt à la baisse, au gré des décisions des préfets. Difficile donc de promettre une rentabilité locative précise pour ces placements immobiliers. Or c’est justement l’argument qui, de longue date, a servi à les vendre non pas d’abord pour ce qu’ils sont – des appartements –, mais pour ce qu’ils rapportent : un revenu régulier et une économie d’impôts.
La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) évalue les ventes aux investisseurs particuliers à 35 % du total pour les six premiers mois de l’année, contre 60 % en 2010. La moitié seulement de ce total seraient des Duflot , si l’on en croit les chiffres des grands promoteurs nationaux. Le cru n’est ni meilleur, ni moins bon que le Scellierdernière formule, la moins intéressante et la moins courue. Le flou semble pourtant entretenu. Le gouvernement parle peu de cette mesure. Souvent comparé à une niche fiscale, le système, pourtant vital pour le marché locatif, est peu en phase avec la politique de la ministre, plutôt orientée vers les locataires. De leur côté, les promoteurs ont tout intérêt à lui trouver des qualités, afin de le vendre. Mais ils l’ont tellement critiqué qu’ils n’avouent que du bout des lèvres que le Duflot peut être un excellent dispositif sous certaines conditions. Le hic, c’est que toutes sont difficiles à réunir en même temps. D’abord, le couple prix-loyer : l’investissement semble idéal pour des logements construits dans des communes classées en zone A et A bis (Paris et Ile-de-France, Côte d’Azur et Genevois français), où les loyers plafonds sont les plus élevés, à 16,52 euros par mètre carré. Encore faut-il que, dans ces villes au marché tendu, le prix des appartements ne dépasse pas 5.500 euros par mètre carré, condition d’éligibilité au dispositif. Seules les municipalités comme Montreuil, Saint-Ouen, Pantin… qui maîtrisent leurs valeurs foncières et contrôlent les prix de vente pratiqués par les promoteurs, sont donc concernées. « Or, dans ces villes, le nombre de Duflot est souvent limité à 20 % des logements vendus. Le marché est donc très étroit », regrette Jean-Philippe Bourgade, le président de Bouwfonds Marignan Immobilier. Paradoxalement, le marché fonctionne donc mieux en première et en deuxième couronne parisienne qu’en province, où les loyers sont trop bas, ou à Paris, où les prix d’achat sont trop hauts. Dans ces deux cas, les investisseurs préfèrent louer plus cher et sans contraintes, même s’ils y perdent l’avantage fiscal. Seconde contrainte : pour rentabiliser au mieux leur placement, les investisseurs devraient s’en tenir aux deux-pièces : car, au-delà, un « coefficient de surface » fait baisser le loyer au mètre carré pour un prix de vente qui, lui, ne diminue pas. Il faut encore que le préfet ne décide pas de faire varier les loyers comme il en a le pouvoir. Les valeurs établies par décret en mars 2013 (de 8,59 à 16,52 euros selon les régions) sont stables jusqu’en 2014, mais personne n’est sûr de rien pour la suite.

Le système Duflot en question pour les prochaines années

Autre frein, l’investisseur ne peut pas louer à un parent, ascendant ou descendant, même si ces derniers ne dépassent pas les plafonds de ressources imposées aux locataires éligibles. S’il en fallait encore pour décourager les investisseurs : le Duflot rentre dans les niches fiscales plafonnées à 10.000 euros par an et par ménage. « Les compteurs ont été remis à zéro au début de 2013, donc les réductions d’impôts liées aux investissements précédents ne sont pas prises en compte », précise Bruno Corinti, le président de Nexity Résidentiel. La question se pose donc pour les prochaines années, le système limite la capacité d’investissement à un, voire deux appartements.« Ajoutons à cette complexité le contexte de la loi Alur [Accès au logement et à un urbanisme rénové, NDLR], qui semble favoriser les locataires au détriment des propriétaires, on comprend pourquoi ce dispositif qui peut apporter une rentabilité de 3,5 à 4 % avant avantage fiscal a du mal à démarrer, remarque François Bertière, le président de Bouygues Immobilier. C’est pourtant le moteur de la production de logements en France. »

Les promoteurs ont tous noté une légère accélération des réservations au cours des dernières semaines. Lié sans doute aux campagnes de promotion qui offrent des remises en tous genres. A l’habitude aussi qu’avaient pris les investisseurs de passer chez le notaire avant le 31 décembre pour profiter d’un avantage fiscal menacé. Cette année, les 18 % ne bougeront pas. La réduction d’impôts sera imputée sur les revenus de l’année de livraison de l’immeuble. Pas sur celle de la signature de l’acte de vente. Seule raison peut-être de se décider vite, la remontée engagée des taux d’intérêt.

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