La Courneuve et l'Anru


La façade sud du Mail de Fontenay des 4000 à La Courneuve (SZ)
La façade sud du Mail de Fontenay des 4000
à La Courneuve (SZ)
"Le Mail" embourgeoisé selon le projet du cabinet de Roland Castro (DR)
Le Mail" embourgeoisé selon le projet
du cabinet de Roland Castro (DR)
Ses jours sont désormais incertains. Le Mail de Fontenay à La Courneuve pourrait être démoli. La dernière barre des 4000 ne sera pas rénovée comme l'avaient initialement souhaité les partenaires - mairie, bailleur et conseil général. Avec un budget total estimé à 40 millions d'euros, la réhabilitation de cette cité emblématique est trop coûteuse. C'est en tous cas le sentiment de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Le maire, Gilles Poux (PCF), lui, continue à défendre la refonte des 300 logements emblématiques de cette banlieue de Seine-Saint-Denis.
L'état de cette immense barre de 15 étages et 180 mètres de long avec ses larges halls qui traversent le bâtiment est trompeur au premier regard. Sur le devant, la cité pourrait presque donner le change si l'on ne devinait les carreaux qui se détachent des façades grises. La grande esplanade arborée fait le délice des familles dés les beaux jours avec sa petite aire de jeux, ses tables de ping-pong et ses petits jets d'eau. Derrière, le tableau est tout autre.
Fenêtres grillagées et amas d'encombrants
L'immense cheminée de la chaufferie colle au bâtiment comme une béquille. Sur plusieurs appartements du rez-de-chaussée, les fenêtres sont grillagées. Devant les entrées, des amas d'encombrants : un gros globe de verre blanc, un vieux canapé renversé, une antique platine désossée et quelques sacs poubelle. « Les services de nettoyage passent tous les jours mais les gens jettent le week-end par les fenêtres », raconte, désolée, Keira Chergui, une habitante. Cette militante associative est arrivée en 2005 plutôt contente de se voir attribuer un F5 « avec de l'espace et de grands placards ». Pour quelque 630 euros, cette animatrice et ses cinq enfants se sentaient bien. Au « Mail », la vie associative est encore forte, les liens entre voisin réels : « On se connaît. Quand on rentre le soir, tout le monde est dehors, on n'est pas seul », témoigne cette presque quinquagénaire.
Mais quand la barre Balzac a été démolie en 2011, c'est ici qu'on a relogé provisoirement les habitants, provoquant une occupation trop importante dans des locaux déjà vieillis. Murs qui s'effritent, infiltrations dans les chambres, fenêtres qui ferment mal, ascenseurs défaillants..., le bâtiment a souffert. Si l'on compte le trafic de drogue, les halls occupés, les voitures volées brûlées sur le parking..., l'environnement s'est dégradé. La mairie reproche au bailleur OPH 93 de pas avoir assez investi dans la cité.
Un paquebot embourgeoisé
A ses yeux, après la démolition des barres Debussy, Renoir, Ravel, Presov, Balzac et prochainement celle de Robespierre, il est temps d'arrêter de faire tomber des tours dans un quartier à l'urbanisme désormais plus ouvert. « Personne n'était favorable à sa démolition, il fallait un projet audacieux de réhabilitation », raconte M. Poux qui souhaitait aussi garder une trace de cet urbanisme de grands ensembles.
En 2009, le maire convainc l'office HLM de mener une étude de faisabilité. Deux architectes du Grand Paris - Roland Castro et Djamel Klouche - ont planché sur une restructuration lourde. Le projet, audacieux, prévoit de résidentialiser le bâtiment : jardins d'hiver pour chaque appartement, surfaces habitables agrandies, pieds d'immeuble réaménagés, ascenseurs installés en extérieur. Bref, la barre se transformait en grand paquebot embourgeoisé. « C'était un autre immeuble tout neuf », s'enthousiasme Mme Chergui. Lors des réunions de consultation, pourtant, les habitants dans leur majorité restent sceptiques.
40 millions d'euros contre 75
Quand les élus et le bailleur présentent le projet à l'ANRU, les responsables de l'agence tiquent sur son coût : 40 millions d'euros soit 130 000 euros par logement.« Un coût bien supérieur a ce que nous finançons habituellement », explique-t-on à la direction de l'ANRU en ajoutant qu'une démolition-reconstruction est, elle, plus facilement financée grâce aux crédits de la rénovation urbaine et à des emprunts mieux amortis. « Ils nous ont prévenu qu'ils n'étaient pas prêts à financer une restructuration si lourde », assure Stéphane Troussel, président PS du conseil général qui estime qu'il faut désormais laisser tomber cette option. Une majorité d'habitants sont eux aussi partisans de la démolition. «Nous avons beaucoup de demandes de départ», confirme M. Troussel.  Selon lui, les petits ensembles, comme ceux déjà construits dans le quartier, sont plus humains pour les locataires et plus gérables pour le bailleur.
Les partisans de la réhabilitation ne désarment pas arguant que le coût d'une démolition serait de 50% supérieure, soit entre 70 et 75 millions d'euros. Et surtout avec un « coût social» élevé dans un quartier déjà traumatisé par les précédentes démolitions. « C'est beaucoup moins cher et plus heureux en terme humain que de casser des cages d'escalier qui ont une histoire », assure Roland Castro. A ses yeux, c'est la « politique de  guichet » de l'ANRU qui est en cause : « Depuis le début, il y a de l'argent pour démolir et reconstruire, pas pour réhabiliter. J'espère que ça va disparaître avec le prochain programme de rénovation urbaine promis par le gouvernement sinon cela veut dire qu'on ne peut rien remodeler dans ces quartiers de banlieue ».
Pas de décision avant les municipales
Côté ministre de la Ville, on temporise en assurant qu' « il n'y a pas de stratégie arrêtée à ce stade »« On ne peut financer ni la démolition ni la réhabilitation avec le programme ANRU qui se termine fin 2013 », dit un conseiller de François Lamy. Ajoutant : « Le prochain programme sera lancé 2014 après les élections municipales. Cela laisse le temps de réfléchir  ». Les habitants du Mail devront encore attendre.
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Sylvia Zappi

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