PNRU : les finances sont là mais la mise en oeuvre reste défaillante pour les habitants, selon l’Onzus
A. Vovard | Publié le 06/03/2013 | Mis à jour le 07/03/2013
L’Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus) a rendu public lundi 4 mars 2013 un bilan du programme national de rénovation urbaine (PNRU), dans la perspective de la préparation pour 2014 de la 2e génération de ce programme.
Le début du rapport [1]fournit d’abord un bilan quant au financement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU), créé par la loi du 1er août 2003 (1) [2] : à terme, 45 milliards d’euros auront été investis dans 594 quartiers (hors opérations isolées), dont 43,9 milliards de travaux et interventions (hors ingénierie). Pour l’heure, au 31 décembre 2012, plus de 20 milliards d’euros de travaux avaient été réalisés.
Sur les 594 quartiers, on compte 428 zones urbaines sensibles (ZUS) et 166 quartiers « article 6 » (2) [3].
Cette programmation de 45 milliards concerne par ailleurs un total d’environ 145 000 logements démolis, la reconstruction d’environ 140 000 autres, et la réhabilitation de 325 000 logements.
Les sources de financement ont également « largement évolué depuis 2003 », comme le montre un tableau élaboré grâce aux données de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru).
La diversité selon les territoires est également de mise, illustre une carte figurant dans le rapport de l’Onzus.
Répartition géographique de la programmation de la rénovation urbaine : la Seine-Saint-Denis et le Nord recueillent respectivement 4,7 et 2,9 milliards d’euros d’investissements
Sur le plan du financement, le PNRU est par ailleurs financé à environ un quart par l’Anru, et les autres sources de financement sont :
- 42,8 %, soit plus de 19 milliards : des bailleurs HLM, dont un dixième en fonds propres, le reste correspondant à des prêts de la Caisse des dépôts.
- 23,2 %, soit près de 10,4 milliards : des collectivités (13,4 % des villes et des EPCI, 5,8 % des régions, 4 % des départements).
- 8,2 % de l’Etat (0,8 %), des fonds européens (Feder) pour 0,8 %, et de la Caisse des dépôts (hors prêts) pour 0,3 %.
Ne pas briser la dynamique - La présidente du conseil d’orientation de l’Onzus, Bernadette Malgorn, insiste aussi dans l’avant-propos du rapport sur la nécessité de ne pas briser la dynamique créée par le PNRU. Les engagements pris doivent être tenus : « C’est environ 6 milliards d’euros que l’Anru va devoir mobiliser jusqu’en 2018. »
Elle craint en outre un moindre investissement de la part des communes, avec la montée en puissance de l’intercommunalité enclenchée lors du Comité interministériel des villes (CIV) du 19 février [6] : « La forte mobilisation des élus locaux a été un des facteurs de la dynamique du PNRU. L’appel à une plus grande responsabilité du niveau intercommunal porte le risque d’un moindre investissement des maires et élus communaux. »
402 conventions pluriannuelles - Le rapport indique par ailleurs que 402 conventions pluriannuelles ont été signées entre l’Anru et les différents porteurs de projet – villes ou EPCI -, dont 397 signées.
Dans le détail, 13 conseils régionaux en sont signataires, pour un montant de 2,24 milliards d’euros, contre 8,67 milliards de subventions Anru, soit un effet-levier de 1 € Anru pour 0,26 €.
8 conseils généraux en sont signataires, pour un montant de 669 millions d’euros, contre 2 030 millions de subventions Anru, soit un effet-levier de 1 € Anru pour 0,33 €.
Liste et montants financiers des conventions signées entre conseils régionaux, conseils généraux et Anru
Par ailleurs, la grande majorité des conventions (plus des deux-tiers d’entre elles) ne porte que sur un seul quartier et le tiers d’entre elles se déploie sur plusieurs quartiers, avec un maximum de 7 quartiers concernés, souligne le rapport.
« Les données financières de l’Anru ne permettent pas, à l’heure actuelle, de mesurer précisément les montants consacrés à chaque quartier au sein du PNRU. Il n’est donc pas possible de déterminer les crédits alloués aux quartiers selon leur degré de priorité et de vérifier si les objectifs de répartition des subventions versées par l’Anru en fonction des degrés de priorité sont ou non atteints », indique Bernadette Malgorn.
L’Onzus a toutefois pu élaborer le tableau suivant :
Bilan qualitatif décevant - Le bilan qualitatif du PNRU est par ailleurs plutôt décevant. Certes, acteurs, élus, habitants se montrent satisfaits. Mais les indicateurs de la situation dans les quartiers sensibles évoluent peu, comme le souligne Bernadette Malgorn.
« Le chômage y est à peu près toujours le double des autres quartiers de leur agglomération et la pauvreté trois fois plus prégnante. Les ZUS concentrent les populations d’origine étrangère : plus d’un résident sur deux de 18 à 50 ans est immigré ou descendant d’immigrés. »
Associer les habitants - Plus généralement, un important point faible concerne la concertation avec les habitants. Selon une enquête menée auprès de délégués du préfet en décembre 2012, sur la quasi-totalité des quartiers enquêtés, les habitants ont bénéficié de réunions d’informations et de plaquettes de présentation des projets.
Toutefois, cette concertation a été plus fortement structurée dans la moitié des cas seulement. Dans 18 quartiers sur 36, ont ainsi été mis en place une permanence ou un lieu d’accueil dédié au PRU, ainsi qu’une démarche participative structurée (constitution de groupes de paroles, etc.).
Sur 13 quartiers, un chargé de relations avec les habitants a été recruté et des enquêtes auprès de la population ont été menées.
Les habitants se plaignent aussi « du temps des chantiers, des nuisances dues aux travaux de démolition des immeubles, de réhabilitation des logements ou d’aménagements des espaces extérieurs, des malfaçons constatées sur les aménagements réalisés (incohérences, inadaptations des certains travaux de voirie), ou plus largement, de la densification de l’habitat qui accentue le vis-à-vis et la perte de luminosité ».
GUP : des avancées à consolider – Toujours d’après l’enquête menée auprès de délégués du préfet, 325 conventions GUP auraient été signées dans les quartiers en rénovation urbaine, portant sur un ou plusieurs quartiers.
Et 295 communes en seraient signataires.
Les délégués du préfet interrogés saluent les « efforts significatifs » de gestion de la part des collectivités. Mais dans l’étude « Les quartiers en mouvement : vers un acte 2 de la rénovation urbaine » [9], le comité d’évaluation et de suivi de l’Anru déplore que les conventions de GUP « s’apparentent très souvent à des listes d’actions isolées, insuffisamment coordonnées ».
Le défaut de diagnostic partagé est pointé par tous les acteurs. Enfin, la participation des habitants à la GUP « va rarement de soi ».
Sécurité : amélioration dans les quartiers rénovés… - Selon les délégués du préfet, l’intensité des problèmes de tranquillité publique diminue. 21 des 36 répondants estiment que les PRU ont permis d’améliorer la tranquillité publique et la sécurité dans le quartier (6 sont tout à fait d’accord et 15 sont d’accord).
Alors que 15 quartiers étaient considérés comme ayant des problèmes de tranquillité publique d’une intensité « très élevée » avant le PNRU, ce n’est le cas que d’un seul d’entre eux après le PNRU.
De même, le nombre de quartiers où ces problématiques sont considérées comme peu élevées passent de trois à dix entre 2003 et 2013.
… mais risque de report sur les autres quartiers - Les délégués du préfet saluent enfin « le rapprochement entre professionnels de l’urbain et de la sécurité et la réalisation d’aménagements facilitant la prévention situationnelle ».
Plusieurs acteurs constatent toutefois un report des problèmes de tranquillité publique dans d’autres secteurs géographiques des agglomérations.
« Les franges les plus en difficulté des populations qui logeaient (ou étaient hébergées) dans le parc des ZUS, notamment le parc privé dégradé, sont alors, du fait de la rénovation urbaine, repoussées vers d’autres secteurs, non rénovés, de l’agglomération. »
Pour une cohérence avec les politiques locales de l’habitat - Enfin, l’Onzus recommande de mettre les PRU en cohérence avec les politiques locales de l’habitat. Les projets de rénovation urbaine ont en effet été faiblement articulés avec les programmes locaux de l’habitat (PLH).
Selon l’USH, à l’exception d’agglomérations telles que Nancy, Dijon ou Lyon, « peu de collectivités ont saisi l’opportunité de reconstituer des logements locatifs sociaux hors site pour accélérer la mise en oeuvre de leurs politiques de rééquilibrage entre les territoires ».
« La faiblesse des avancées est particulièrement significative en Ile-de-France, où l’intercommunalité est peu présente. Par ailleurs, les possibilités de développement dans les quartiers ne sont pas toujours prises en compte dans les projets de ville ou d’agglomération, notamment dans les documents de planification (PLU, PLH) », souligne l’Onzus.
Ainsi, pour 40 % des 200 quartiers évalués par l’Onzus, des projets d’urbanisation comprenant des programmes de logements concurrents (par exemple sous la forme d’écoquartiers) aux logements de diversification construits dans les quartiers Anru sont prévus. Un résultat « préoccupant ».
Une meilleure intégration des projets de rénovation urbaine dans les PLH et les PLU pourrait éviter cette concurrence qui joue en défaveur des quartiers d’habitat social dont l’image est moins attractive, souligne l’Onzus, les quartiers neufs bénéficiant souvent d’une image plus flatteuse. L’organisme appelle donc les intercommunalités à mener une politique foncière volontariste.
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